Psychanalyse et pédagogie

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Tristan Garcia-Fons, pédopsychiatre, psychanalyste Médecin Directeur du CMPP de Montreuil

Psychanalyse et pédagogie

Intervention du 25 novembre 2004

Ce thème très vaste des rapports entre psychanalyse et pédagogie (qui a intéressé Freud et ses disciples dès l'origine du mouvement psychanalytique) reste encore aujourd'hui une question et un champ de recherche, en particulier pour les praticiens des CMPP. Nous aborderons ici :

1) Comment les psychanalystes, à commencer par Freud, ont abordé l'éducation.

2) L'apport de la psychanalyse à la question de l'inhibition intellectuelle.

1 - La question de l'éducation dans l'approche psychanalytique

- L'éducation comme prophylaxie des névroses :

Freud, au départ, dénonce les abus d'une morale sexuelle qui va jusqu'à interdire la pensée et est donc génératrice d'inhibition. C'est de la nature de la pulsion sexuelle, par essence perturbatrice, que proviendrait la morale. La question de l'éducation est suspendue à un fait - réel, une impossibilité logique à savoir que la source principale du plaisir chez l'être humain le contraint de s'en défendre par la névrose. Le désir a toujours comme horizon le mythe d'une union ou d'une complétude parfaite, jouissance totale diraient les lacaniens, que représentent les fantasmes incestueux. Mais cette satisfaction ou jouissance sans faille qui est la visée du désir, est en même tant impossible. Pourquoi ? Parce qu'elle est interdite (la prohibition de l'inceste) et parce que, si elle se réalisait, le sujet disparaîtrait en se fondant dans l'autre et dans sa jouissance. Toutes les stratégies névrotiques seront alors autant de moyens pour que cette jouissance absolue ne se réalise pas, pour que le désir ne se satisfasse que partiellement ou uniquement au travers des fantasmes inconscients ou des symptômes.

Freud crut au début à la mission de l'éducation pour la prévention des névroses, même s'il rangeait l'éducation parmi les trois professions « impossibles » (gouverner, éduquer, soigner).

L'éducation a pour but la transformation de la sexualité infantile : soumettre la pulsion sexuelle à des fins socialement conformes (sublimation). L'éducateur doit alors veiller à ne pas outrepasser ses droits par une répression excessive. Trop de répression de la sexualité risque de mener à la voie névrotique ou perverse ; ou encore de provoquer le refoulement et une extinction de la curiosité intellectuelle. Mais c'est aussi l'angoisse de castration qui fait échouer l'investigation et le désir d'apprendre. C'est ici que Freud indique les trois voies possibles offertes à la pulsion de savoir : inhibition de la pensée, érotisation et sublimation (Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci).

Freud avouera néanmoins plus tard (L'analyse avec fin et l'analyse sans fin) avoir surestimé l'effet préventif de l'allégement répressif et des explications sexuelles données aux enfants (En dépit de tous les cours d'éducation sexuelle, les enfants tiennent à leurs propres théories et fantasmes).

Avec les débuts de l'analyse des enfants (Freud commence à travailler avec les parents. C'est le cas avec le père du petit Hans. Puis des pionnières telles que Anna Freud et Mélanie Klein se mettent à pratiquer l'analyse directement avec les enfants), il s'agit d'apporter les lumières psychanalytiques là où les simples mesures éducatives restent impuissantes. La psychanalyse se présente alors comme une seconde ou une post-éducation. Une éducation pensée comme un traitement analytique de la « névrose infantile », cette phase normale du développement, cette névrose banale contemporaine de la crise oedipienne, dont l'issue correspond à l'entrée dans la phase de latence, et qui fera le fonds de la structure névrotique de l'adulte. S'y rajoute une orientation éducative, éthique, éclairée par la psychanalyse : libéralisme et respect de l'enfant, respect de la vérité, et plus encore remise en question des illusions au profit d'une éducation

à la réalité (L'avenir d'une illusion) non seulement extérieure et sociale mais réalité psychique, c'est à dire réalité du désir. C'est alors la reconnaissance par l'éducateur de cette réalité désillusionnée qui sera la meilleure garantie que l'éduqué y ait accès. L'éducation doit donc, dans cette perspective, se limiter à encourager les processus par lesquels les énergies pulsionnelles empruntent des voies saines. Elle se résume à éviter le pire. L'éducateur et le psychanalyste qui poursuivent les mêmes fins ne doivent pas abuser de leur pouvoir de suggestion et doivent s'abstenir de désirer à la place de l'enfant.

- Le virage freudien : II n'y a pas d'éducation psychanalytique. A partir de 1911, Freud assigne comme tâche à l'éducation la domination du principe de plaisir par le principe de réalité : que l'enfant supporte une certaine dose de déplaisir - le renoncement aux satisfactions pulsionnelles immédiates -en vue d'un autre plaisir ( l'amour comme récompense ). Le problème reste que l'éducation prônée par Freud ne correspond pas à l'éducation courante qui nie les désirs, la réalité sexuelle humaine et ne prépare pas les enfants à y faire face. Une nouvelle dimension est ici abordée (à partir de Totem et tabou en 1913) :

L'inconscient des éducateurs apparaît plus déterminant pour le développement de l'enfant que l'action éducative concertée. L'essentiel du processus éducatif échappe à la maîtrise des éducateurs dans la mesure même où ils sont régis par des motivations inconscientes et se conforment aux prescriptions de leur propre Surmoi. D'où le vœu de Freud que les éducateurs reçoivent une formation psychanalytique (Préface à « Jeunesse à l'abandon » de A. Airchorn, 1925).

A partir de l'étude du narcissisme (Pour introduire le narcissisme, 1914), Freud introduit la dimension de l'Idéal du Moi. Si l'amour est un des principaux moteurs de l'éducation, c'est pour   autant qu'il préserve la satisfaction narcissique. La première identification, au père, est fondatrice du narcissisme. Les éducateurs, investis de la relation affective primitivement adressée au père, bénéficieront de l'influence de ce dernier sur l'enfant et pourront ainsi

contribuer à la formation de son Idéal du Moi. La relation élève-professeur est référée à la relation au père. Les professeurs héritent des résidus de la situation oedipienne. L'essentiel du processus éducatif se joue dans la relation aux parents et le rôle ultérieur de éducateurs s'en trouve limité. La connaissance que la psychanalyse apporte aux éducateurs peut seulement leur permettre de mesurer les limites de leur pouvoir... et de comprendre et excuser les réactions qu'ils rencontrent. L'éducateur ne doit pas chercher à satisfaire son propre narcissisme en tentant de réaliser son propre idéal à travers l'enfant. Freud met en garde les éducateurs autant que les analystes contre l'orgueil et l'idéal qu'ils voudraient inculquer ou incarner. Car l'enfant ne devient adulte que lorsqu'il s'est détaché de tous les substituts de pères et que nul ne peut plus venir occuper pour lui la place de l'Idéal.

Freud, en résumé souhaite que l'éducation renonce à s'appuyer sur l'illusion et fasse place à la réalité ( la nécessité, la vérité), qu'elle cesse d'accorder la primauté au narcissisme et à l'idéalisation Jusqu'alors "utilisées et renforcées comme principal soutien d'une éducation qui vise à supprimer les pulsions sexuelles jugées gênantes.

Avec l'au-delà du principe de plaisir (1920) et la place accordée aux dimensions d'Eros et Thanatos (difficiles à démêler. L'amour et la haine se présentent le plus souvent de façon intriquées), Freud introduit le concept de pulsion de mort qui, suivant une lecture lacanienne, renvoie au symbolique. Le langage introduit une béance que rien ne peut venir combler, d'un désir confronté à une impossible jouissance, impossible d'avoir partie liée avec la mort.

La pulsion de mort ôte tout espoir en une harmonie possible entre l'homme et le monde, entre l'homme et lui-même, entre son bien et son désir. Or, c'est du côté du bien que l'éducation se situe. L'éducateur ne peut être qu'un ennemi des. désirs par essence aberrants par rapport au « bien », qui le conduisent à en nier l'existence douloureuse. II ne demeure pour Freud que le pouvoir de la raison pour une éducation à la réalité cruelle, sans illusions ni consolation, telle qu'elle est mise à Jour dans la confrontation avec la mort et la guerre ; une éducation à l'acceptation dont le but se réduit à rendre la vie supportable.

« Troquer la misère névrotique pour un malheur banal » et laisser la voie ouverte à la reconnaissance des désirs : Tel pourrait être le programme d'une éducation d'orientation analytique. Il s'agit de reconnaître cette réalité des désirs sexuels mais aussi des désirs agressifs ou de mort, du réel de discorde que constituent nos désirs.

Et la puissance de la raison réside dans les vertus de la parole dans laquelle se réalise le désir.

En 1932, dans Les nouvelles conférences, Freud indique que l'éducation « doit donc trouver sa voie entre le Scylla du laisser faire  et le Charybde de l'interdiction ». La psychanalyse ne propose plus de pédagogie nouvelle, ni pour les moyens (interdictions, répression...) ni pour les fins (adapter l'enfant à la société). L'éducation n'est plus qu'une affaire de -tact, un juste milieu à trouver au cas par cas entre liberté et contrainte ; Elle relève de l'empirisme.

Il n'y a plus d'éducation psychanalytique. Seulement une aide : l'éducateur et l'éduqué peuvent bénéficier d'une cure analytique.

Educateur autant qu'analyste usent de la suggestion et du transfert. L'éducation et la suggestion se servent des mêmes moyens : prendre dans le transfert la place de l'Idéal du Moi. Mais l'analyste a pour objectif l'analyse et la dissolution du transfert et donc de délivrer le patient de sa dépendance infantile à l'égard de l'Idéal du Moi. Si le propre de l'éducation consiste à la formation et au renforcement de cet Idéal et si l'éducateur s'appuie sur le narcissisme de l'éduqué, elle est alors du côté de l'imaginaire, de l'illusion. Et la psychanalyse, quant à elle, réalise une « éducation à l'envers ». La pédagogie s'adresse au Moi (les doctrines pédagogiques sont résolument Moïques) et vise son renforcement afin de soumettre les pulsions. Une pédagogie, inspirée par la psychanalyse, s'efforcera, tout en poursuivant son objectif traditionnel, de limiter les refoulements. M. Klein, comme Freud, préconise à l'égard de l'enfant, sincérité, franchise et diminution de l'autoritarisme, la réponse à ses questions concernant la sexualité et l'évitement d'un dressage pulsionnel trop rigoureux. L'inconscient de l'éducateur s'avère peser d'un plus grand poids que toutes ses intentions conscientes.

S'abstenir de répondre à une demande de l'enfant, de l'ordre de ce qu'il doit faire, pourrait relever d'une pédagogie analytique : laisser ouvertes la question de l'enfant et la question de son désir pour qu'il puisse se déprendre de la soumission à la demande de l'Autre qui l'aliène. Cela supposerait que l'éducateur ne soit animé d'aucun désir à l'endroit de l'enfant, ce qui est paradoxal. Au mieux peut-il renoncer à toute ambition de maîtrise... Nous conclurons ce chapitre avec Catherine Millot, en disant que tout ce .que le pédagogue peut apprendre de et par l'analyse, c'est à savoir limiter son action, savoir qui ne relève d'aucune science mais d'un art...

II-Approche psychanalytique de l'inhibition intellectuelle

Pour la majorité des enfants en difficulté ou en échec scolaire que nous accueillons en CMPP, cet échec apparaît de nature inhibitoire, en relation, le plus souvent, avec la problématique oedipienne de l'enfant. Cette dimension d'inhibition n'est pas toujours bien reconnue, tant les adultes sont aujourd'hui davantage mobilisés par ce qu'on appelle les « troubles du comportement ». Freud, dans un de ses ouvrages fondamentaux, articule l'inhibition aux deux autres concepts majeurs que sont le symptôme et l'angoisse. L'angoisse est un affect qui a une fonction de signal de danger. Si la pulsion sexuelle (le désir) vise l'objet de satisfaction et si cette satisfaction, comme nous l'avons vu précédemment se présente comme impossible ou dangereuse, différentes stratégies psychiques inconscientes pourront être mises en œuvre :

- l'inhibition de la pulsion

-         le refoulement des représentations liées à cette pulsion, qui débouche sur la création du symptôme en tant que solution de compromis

 

- la décharge motrice immédiate (le passage à l'acte)

- la sublimation qui consiste à substituer à l'objet de la satisfaction un autre objet plus valorisé ou plus conforme aux exigences culturelles et sociales.

Freud distingue alors deux types d'inhibition :

- Une inhibition « pure », c'est-à-dire une inhibition-mécanisme (de défense) ou inhibition-évitement qui se situe en deçà de l'angoisse et du symptôme.

- Une inhibition symptomatique, liée ou secondaire au symptôme.

La première (l'inhibition-mécanisme) permet d'éviter le surgissement de l'angoisse. Elle permet également de prendre pied dans la réalité et est à la base de l'inhibition normale qui nous permet de vivre en société. Freud, dans L’ Esquisse pour une psychologie scientifique indique que cette inhibition, qui dépend du Moi (qui est lui-même un réseau d'inhibitions), fonctionne par dérivation d'énergie au moyen d'un investissement latéral : La fonction inhibée est en quelque sorte détournée sur une voie de garage. C'est intéressant parce que cela signifie que ce qui est inhibé n'est pas supprimé mais plutôt mis en réserve, ce qui a conduit Lacan à parler, assez joliment, de l'inhibition comme « mise au musée ». Freud, en prenant comme exemple le nourrisson qui halluciné le sein, montre comment cette inhibition permet de distinguer processus primaire (qui vise la décharge immédiate. Dans ce cas, ce qui privilégie le souvenir hallucinatoire de la satisfaction) et processus secondaire (qui prend en compte la perception réelle, la dure réalité de la faim et du dénuement en l'occurrence, et met en route des stratégies pour différer la satisfaction du

besoin) : la voie de la satisfaction hallucinatoire se trouve inhibée ce qui permet au bébé de ne pas mourir de faim halluciné et de se tourner vers la réalité et vers l'autre.

Quant au second type d'inhibition — symptomatique - elle est une conséquence du symptôme, qu'il soit obsessionnel (inhibition de la pensée secondaire au doute ou aux mécanismes d'isolation, par exemple), hystérique (inhibition motrice liée à une paralysie hystérique, par exemple) ou phobique. Dans le célèbre cas du petit Hans, l'angoisse est le signal de la menace de castration (être mordu par le cheval, objet phobogène), le symptôme phobique correspond au mécanisme qui substitue le cheval à la figure du père, et l'inhibition apparaît comme le résultat de l'angoisse et une conséquence du symptôme : la limitation des sorties dans la rue pour éviter de rencontrer le cheval d'angoisse.

L'avantage avec l'inhibition symptomatique, c'est qu'elle cède dès lors que le symptôme est levé. Il n'en est pas de même avec Ï'inhibition-mécanisme qui est beaucoup plus difficilement accessible aux tentatives thérapeutiques. La déficience intellectuelle de ceux que l'on Juge débiles et qui ne sont pour la plupart que des pseudo-débiles (bon nombre des enfants admis en établissements spécialisés, par exemple) relève très fréquemment de cette inhibition « pure » et renvoie à la place d'objet qu'ils ont pris pour leur parents, leur mère en particulier (le sujet reste un morceau du corps de sa mère).

Tout se passe comme si toute leur subjectivité désirante était frappée d'une inhibition massive et que toute avancée dans les apprentissages et donc vers  l'autonomie, exposait à une séparation impensable et angoissante (si je la quitte, Je la tue).

Il faudra alors déployer beaucoup d'imagination et d'engagement, faire preuve d'invention et de patience, ne pas hésiter à emprunter des voies détournées pour mobiliser les potentialités inhibées.

Les enfants inhibés que nous rencontrons en CMPP ne présentent généralement pas ce type d'inhibition intellectuelle et leurs entraves dans l'accès aux savoirs sont liées le plus souvent à leur névrose infantile banale, c'est-à-dire à leur problématique oedipienne. On sait que l'enfant, dès trois ans environ, traverse une période de forte excitation sexuelle et développe une intense curiosité quant à la sexualité et, en particulier, la question des origines : « d'où viennent les bébés ? » Cette curiosité sexuelle est à la base du désir de savoir et le premier stimulant, le motif essentiel de l'éveil de l'intelligence, nous dit Freud. Ainsi, activité sexuelle et aspiration à la connaissance apparaissent étroitement nouées et, à l'issue de cette période d'investigation sexuelle infantile, correspondant à l'entrée dans la phase de latence, trois possibilités sont ouvertes au désir d'apprendre :

- partager le sort de la sexualité refoulée avec l'inhibition intellectuelle comme résultat.

- ou bien le refoulé fait retour sous forme de pensée obsédante et d'érotisation de la pensée comme on l'observe dans la névrose obsessionnelle.

- ou enfin, la curiosité sexuelle se soustrait au refoulement et à l'inhibition par sublimation.

 

Nous avons bien ici une homologie, un parallélisme entre les voies du désir

sexuel et le chemin vers le savoir, et l'inhibition les affectent de façon

concomitante. Freud le confirme lorsqu'il fait de l'inhibition une mesure pour se

protéger des conflits avec le ça. Il prend l'exemple de l'écriture : « Lorsque

l'écriture, qui consiste à faire couler d'une plume un liquide sur une feuille de

papier blanc, a pris la signification du coït, elle est abandonnée parce qu'elle

reviendrait à exécuter l'acte sexuel interdit ».

Cette inhibition protectrice vaut également face au Surmoi (elle est alors au

service de l'auto-punition) et face aux exigences de 1''Idéal du Moi.

Enfin, certaines inhibitions sont liées à la dépression ou au deuil qui impose un

travail psychique qui accapare toute l'énergie psychique disponible.

Ainsi, un enfant bloqué dans ses apprentissages, s'il n'est pas déprimé (le

fléchissement scolaire est un symptôme dépressif souvent mal reconnu), est aux

prises avec l'inhibition psychique :

- soit parce que les performances scolaires satisferaient trop le parent qui les attend, c'est-à-dire que le savoir est en place d'enjeu de séduction incestueuse.

- soit parce que la réussite scolaire attiserait la rivalité oedipienne, en amenant le fils, par exemple, à dépasser son père dans les études, ce qui équivaut à le tuer .symboliquement et expose à l'angoisse de représailles-sous la forme de la menace fantasmatique de castration.

- Soit enfin, qu'il préfère se contenter de peu plutôt que de décevoir une attente idéale ou bien qu'il s'interdise ou se limite dans l'acquisition de savoirs qui battent en brèche les idéaux familiaux. En effet, une scolarité brillante peut être assimilé à un désaveu de la culture d'origine pour le fils d'immigré ou pour l'élève d'extraction modeste, par exemple. Le succès représente alors un déchirement vis-à-vis des modèles et des codes culturels familiaux. Dans l'apprentissage, il s'agît toujours au fond de quitter : quitter un terrain connu pour un espace encore inconnu de connaissances nouvelles, quitter ses parents, quitter sa culture d'origine, .etc. Apprendre confronte toujours à de la castration. C'est toujours une épreuve.

Reste que certains enfants qui semblent avoir dépassé leur problématique oedipienne et dont le désir d'apprendre apparaît intact, échouent de façon inquiétante comme si l'accès à la connaissance les menaçait réellement. L'inhibition correspond ici à un interdit de savoir renvoyant à un élément qui doit rester ignoré : quelque chose qui représente un danger perçu comme réel (histoires obscures de famille, concernant souvent la filiation, maltraitance ou abus, vœu de mort sur un membre de la famille, maladie d'un proche, etc.) qe doit pas être su, ni représenté, et cette omerta contamine toute possibilité de savoir. Le poids des non-dits et de l'interdit de savoir (qu'il soit énoncé explicitement ou non) envahit l'ensemble du champ de la connaissance.

On comprend, pour conclure, que tout processus d'apprentissage, et donc toute pédagogie, implique le passage par une succession d'épreuves et de renoncements qui pourront s'avérer initiatiques.

 

 

Bibliographie

Anny Cordié : Les cancres n 'existent pas. Le seuil.

Sigmund Freud : Inhibition, symptôme, angoisse, P.U.F.

Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, Gallimard. L'analyse avec fin et l'analyse sans fin,

in : Résultats, idées, problèmes. Tome II, P.U.F. L'avenir d'une illusion, P.U.F. Totem et tabou. Petite bibliothèque Payot Préface à « Jeunesse à l'abandon »,

in : Œuvres complètes. Tome XVII, P.U.F. Pour introduire le narcissisme,

in : La vie sexuelle, P.U.F. Au-delà du principe déplaisir,

in : Essais de psychanalyse, P.B.Payot. Eclaircissements, applications, orientations,

6ème  conférence des Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Gallimard. Esquisse d'une psychologie scientifique,

in : La naissance de la psychanalyse, P.U.F.

Tristan Garcia-Fons : L'interdit de savoir au regard du concept

psychanalytique d'inhibition. Confluences n°38, sept.98

 

Jacques Lacan : L'angoisse. Séminaire Livre X, Le seuil, (chap. 1 et 23) Catherine Millot : Freud antipédagogue. Champs/ Flammarion, 1997.

L'inhibition., Actes de la Journée d'étude du CMPP de Compiègne, avril 1996, polycopié édité par l'AFCMPP.

Eduquer, enseigner, soigner : métiers impossibles ? Journées d'études de PAFCMPP, centre Claude Bernard, 1988.

Inhibition et cultures (colloque du GAREPF et de Réciproques)^ coordonné par Kathy Saada, 1998, L'Harmattan.

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